Paradise by the "C"

Publié le par Lucie

Anglais, puis français

C carhaix

Yesterday a very very sad news fell on the Springsteen community. Clarence Clemons' health hadn't been great for some time now, and he passed away Saturday night, six days after the major stroke which took him by surpise in his home in Miami. Being the Springsteen maniac that I am, I couldn't possibly not post something about it. But I was winded, and I couldn't write. It's no secret that I'm obsessed about languages, with the way they function and interact with each other. But the languages I deal with are exclusively word-based, grammatical systems, while I know next to nothing about the languages of non-verbal communication. I get a bit of visual semantics: the way a set of colours, framing, mise en scène, editing, etc. can convey emotions - but then anyone does. But I know nothing about music whatsoever. I can't think of anything more perplexing than a sheet of music (well, maths are pretty obscure too) and have never understood anything about music theory. Therefore it's a complete mystery to me how music works, why some pieces can reduce someone to a weeping heap and others make us jump on the dancefloor. There are so many levels it's baffling. But the ultimate mystery for me has always been the E-street band. Why do the hair on my forearms raise instantly to the first notes of The River from the live in New York City will always be a mystery. 

But I do know one thing: it takes a huge amount of skill to be able to "talk" —for lack of a better word— with an instrument. And that's exactly what Clarence did. His saxophone was just as much a voice as Bruce's, only it talked in a very mysterious language. A language I understood despite the fact that it was non-verbal. Of course the Jungleland solo is a testimony to that. It takes skill, and a huge amount of gut to lay yourself bare like that. But there's also another element, and it can't be called anything other than magic.
Bruce talked about it. He described how, before a concert, when the E-street came on stage, it was a just a group of people with instruments facing another, much larger group of people with nothing but a concert ticket and a pair of greedy ears. But every night — and I love the formula Bruce used— they "pulled something out of the air". Something that wasn't there. Where there was literally just air there soon was a big, warm, unique thing. To me it was almost visible, it glowed and quivered and I could feel it's heat radiating on my face. In it were all the ingredients of life: love in all its shapes and forms, melancholy for what once was and no longer is, excitement for what will come, the redemption of mankind through rock n roll and the sense of community that comes with it, and of course the primal joy of loud noises and group gatherings. In a matter of seconds, you jumped from the agonizing consciousness of death to the feeling of being intensely alive, and back again. And everyone who happened to be in this particular stadium or concert hall at that moment just entered this trance state where it felt like we were so intensely alive and grateful to be there that we might aswell die on the spot. I'm not kidding, that's what it felt for me, everytime I saw the E-street band perform live. I laughed and cried simultaneously, I died and was reborn instantly during three hours (that's how long the E-street played each night, on average).
And that's why my eyes are filling up yet again. With the loss of Clarence I am not only reminded of the reality of death, but most of all I know that I will never be able to feel as utterly alive again. And so, in a way, I died a little yesterday.
And also, I love Bruce, and just the thought of what he must be going through now is enough to break my heart. But what can we do, life's a bitch and "everything dies, that's a fact". But some things stay. The E-street band will live on forever.


Below is a video of  "Paradise by the "C", a song with a sadly appropriate title which never got the recognition it deserves. It's the only instrumental track in the whole E-street discography, and it gives the perfect example of Clarence's "voice". And you see him and Bruce just enjoying themselves like over-grown boys. Farewell, C.

B+C Xmas

Hier un triste nouvelle a secoué mon monde. Loin de moi l'idée de faire de mon blog un lieu où m'épancher sur mon angoisse existentielle ni même un mausolée pour musiciens déifiés. Mais la mort de Clarence Clemons, meilleur ami de Springsteen et saxophoniste du E-street band, ce n'est pas que la mort d'un homme. Et ce n'est pas tellement la mort de l'homme que j'ai pleuré et qui continue de me mettre le ventre en boule et les larmes aux yeux. Et ça n'est pas non plus que par amour pour Springsteen. Ce que je ressens pour Springsteen n'est pas un amour amoureux, ni même un amour pour une pseudo figure paternelle. Mais quand je me l'imagine pleurer, j'ai moi aussi envie de pleurer, j'y peux rien.
Et ce n'est pas seulement parce que je suis une personne qui peut reconnaître une chanson de Springsteen dès les premières notes ou rêver une nuit que sa femme m'invite à manger de la soupe chez eux dans le New Jersey, quelqu'un dont l'inconscient est traversé d'images et de bribes de mots puisés dans les épopées que sont Badlands, The River, Thunder Road, Atlantic City et bien d'autres — qu'un article motivé par la disparition de Clarence Clemons a sa place sur mon blog.
Vous le savez, ce blog est placé sous les auspices d'une formule en laquelle je crois profondément car elle résume la fascination que j'ai pour les langues, la façon dont elles fonctionnent et les interactions, les échos qui peuvent exister entre elles. Seulement, les langues que je pratique ne sont que verbales. Je ne connais pour ainsi dire rien aux autres langages. La sémantique visuelle, à la rigueur: je peux comprendre comment un certain cadrage, une mise au point ou une mise en scène sont porteuses de sens. Bien que je ne sache pas les utiliser, je les perçois et les apprécie. Mais le vrai mystère pour moi, c'est la musique. Comment expliquer cet emportement qui fait vibrer en nous quelque chose que rien d'autre ne fait vibrer ? Comment expliquer que des gens puissent avec un instrument exprimer quelquechose que des mots ne pourraient pas exprimer ? Clarence et son sax, c'était ça. Un mec qui parle avec un saxophone, qui drague, qui fait l'amour, qui chante, qui pleure, qui raconte des blagues, qui pousse un coup de gueule...mais avec un saxophone. Si vous ne connaissez pas la voix du saxo de Clarence, écoutez le solo de Jungleland (à 4m20s, mais écoutez le titre en entier), conte surréaliste et largement autobiographique sur la rencontre entre The Boss et son Big Man. Ce solo-là, ce ne sont pas des mots –et rien que pour ça, ça en est reposant.
Alors bien sûr il y a une part de talent. Mais tout comme un bon écrivain n'est pas qu'un bon manieur de mots, un bon musicien n'est pas qu'un bon technicien de la langue musicale. Et c'est là que l'on touche à la magie. Pour moi, chaque langue est intrinsèquement magique : les mots, les concepts et le «réel» jouent à un jeu de cache cache perpétuel, les mots devenant des talismans par lequel nous nous approprions le réel mais qui le mettent aussi inévitablement à distance. Tout comme il est impossible de penser un relation au monde sans les mots, il serait impossible de ne vivre qu'avec les mots, signifiants déconnectés de leurs signifiés. Mais les mots ne sont pas les seuls signifiants inventés par l'homme : la littérature, la musique, le cinéma, la peinture, la photographie, le sport (et même le skate, le tricot ou les dominos...) témoignent de la pluralité des formes d'expression.
Bref, je m'emporte, ce que je veux dire par cette digression c'est que la magie n'est pas le propre des mots. Ce qui est magique, c'est bel est bien la création de sens : l'Art. L'hommage que je veux rendre à Clarence Clemons, c'est avant tout l'hommage à un créateur de sens, à l'artiste qu'il était.
Mais il y a plus. Sans Clemons, le E-street band ne peut plus exister. Le groupe de Springsteen, cette machine à vivre, ne tournera plus. Et c'est ça qui me tue. Un concert du E-street, c'était pour moi comme se prendre en pleine gueule toute un tranche de vie. Sa beauté : l'amour sous toutes ses formes– pour son amant, ses parents, son ami, son enfant–, l'insouciance de la jeunesse, la sagesse de la maturité, la foi en l'humanité, la beauté des nuits d'été et des longues routes bitumées... Le plaisir d'une musique qui arrive à cristaliser tout ça : le rock'n roll. Mais Springsteen c'est aussi, entre autres, le constat de l'incompréhension, de l'injustice, l'impossibilité de rester fidèles à nos rêves d'enfant, le goût du sang et la conscience de la mort. Un concert du E-street c'était ça, pour moi. Je riais en pleurant parce que j'avais le sentiment d'être exactement là où je devais être à ce moment précis, en ce point précis de l'existence de notre planète. Comme si toute ma vie n'avait eût que ce but-là : faire que je me retrouve face au E-street une première fois en 2007, puis une deuxième et une troisième fois en 2009. Un sentiment d'adéquation complète avec l'univers, le cosmos, une sensation de symbiose avec non seulement les autres, musiciens et spectateurs, mais aussi une harmonie avec moi-même, une intense paix intérieure. Un bonheur sans pareil, une véritable catharsis. Le sentiment d'être tellement en vie que l'on a envie d'en mourir. Jamais je n'ai ressenti ça aussi intensément, et je n'échangerais ces quelques neuf heures de concert contre rien au monde, elles donnent chaque jour sens à ma vie. La mort de Clarence Clemons ce n'est pas qu'une page qui se tourne, ce n'est pas même un rappel de l'ingratitude du temps qui passe et qui n'oubliera personne. Pour moi, c'est me réveiller et savoir que je ne pourrais jamais plus être aussi en vie que je l'ai été.


Vous trouverez ci-dessous un lien vers le seul titre instrumental de la discographie du E-street : les circonstances donnent un tour étrange à son titre,  « Paradise by the "C" ». La première fois que je l'ai écouté, je me rappelle que je ne m'étais même pas rendue compte qu'il n'y avait pas de chant, tellement les instruments, et le saxophone en particulier, y ont leur propre voix. Et bien sûr on y voit aussi Bruce et Clarence comparses de toujours, deux gamins qui s'étaient trouvés et tout de suite aimés. 


  

Paradise by the "C"

 

 

Bye

 

 

Pour finir, un petite histoire comme quoi il n'y a pas de hasard : j'avais deux places pour le concert au Parc des Princes du 27 juin 2008,  mais je n'ai pas pu y aller parce que ce jour-là c'était aussi le jour du concours d'entrée du Cetim... à Toulouse. J'ai gardé mes billets dans l'espoir de pouvoir y aller quand même, et je me souviens à la fin du concours être allée à la gare et avoir vu que même en prenant le premier train hors de prix j'arriverais bien après le début du concert. Un pied de nez du destin comme le premier choix d'une vie d'adulte entre la passion et l'orientation professionnelle... 

 

Featured / Légende :  
Big Man, Festival des Vieilles Charrues, 2009
Bruce & Clarence, Bercy, 2007 
The E-street Band, Bilbao, 2009


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